Pendant des années, on nous a dit de « sauver les abeilles », et souvent, notre esprit se tourne vers l’abeille mellifère familière et duveteuse. Elles sont vitales pour l’agriculture, produisant notre cher miel et pollinisant d’innombrables cultures. Mais une nouvelle étude révolutionnaire de l’Université de Californie à San Diego remet en question nos perceptions, révélant un côté plus sombre de la présence des abeilles mellifères dans les écosystèmes sauvages du sud de la Californie : elles menacent activement les populations de pollinisateurs indigènes.
Imaginez un buffet animé, mais avant même que les convives locaux n’arrivent, un groupe massif et organisé débarque et dévore presque tout. C’est, en substance, ce qui se passe avec les abeilles mellifères férales et les centaines d’espèces d’abeilles indigènes du sud de la Californie. L’étude a révélé que les abeilles mellifères férales monopolisent jusqu’à 80 % du pollen disponible, créant une grave pénurie pour les espèces d’abeilles indigènes uniques et diverses de la région.

La bataille invisible pour les ressources
Pourquoi les abeilles mellifères sont-elles des concurrentes si redoutables ? Cela se résume à quelques facteurs clés :
- Communication et efficacité : Contrairement à de nombreuses abeilles indigènes solitaires, les abeilles mellifères vivent en colonies massives et organisées. Elles peuvent communiquer l’emplacement des sources de nourriture abondantes à leurs congénères, ce qui entraîne une attaque rapide et écrasante sur les plantes à fleurs. Les chercheurs ont observé que seulement deux visites d’abeilles mellifères pouvaient dépouiller plus de 60 % du pollen des plantes indigènes communes comme la sauge noire et la sauge blanche.
- Nombre pur : L’étude calcule que les abeilles mellifères représentent désormais un étonnant 98 % de toute la biomasse d’abeilles dans l’écosystème du sud de la Californie. Pour mettre cela en perspective, si le pollen et le nectar consommés par les abeilles mellifères étaient disponibles pour les abeilles indigènes, les populations d’abeilles indigènes pourraient être 50 fois plus importantes !
- Pollinisateurs de « moindre qualité » : Il ne s’agit pas seulement de l’épuisement des ressources. Des recherches antérieures menées par ces mêmes scientifiques ont révélé que les plantes pollinisées par les abeilles mellifères produisent une progéniture de moindre qualité. Les abeilles mellifères autopollinisent souvent les plantes en se déplaçant entre les fleurs de la même plante, ce qui peut entraîner une dépression de consanguinité et une génétique végétale plus faible au fil du temps. Les abeilles indigènes, avec leurs modèles de butinage plus variés, favorisent la pollinisation croisée, ce qui conduit à des populations végétales plus saines.
Un point chaud menacé
Le sud de la Californie est un point chaud mondial pour la biodiversité des abeilles indigènes, abritant plus de 700 espèces, dont beaucoup sont spécialisées dans des plantes indigènes spécifiques. Ces abeilles ont co-évolué avec la flore locale pendant des millénaires, formant des relations complexes et vitales. La domination des abeilles mellifères férales perturbe ces équilibres délicats, poussant les espèces indigènes au bord du gouffre.
Pensez-y : la quantité de pollen fournie quotidiennement par un seul hectare de végétation indigène est suffisante pour faire vivre des milliers d’abeilles indigènes. Mais avec les abeilles mellifères consommant la majeure partie, ces ressources vitales ne sont tout simplement pas là. Cette concurrence directe pour la nourriture est un facteur majeur, mais souvent négligé, du déclin des pollinisateurs indigènes.
Au-delà du bourdonnement : Que pouvons-nous faire ?
Cette étude appelle à une réévaluation de la façon dont nous percevons et gérons les abeilles mellifères dans les écosystèmes naturels. Bien que leur valeur agricole soit indéniable, leur présence dans les zones sauvages peut être néfaste.
Alors, quelles mesures pouvons-nous prendre pour soutenir nos abeilles indigènes en difficulté ?
- Repenser les ruches de jardin (dans certaines zones) : Si vous envisagez l’apiculture, en particulier dans les zones naturelles riches en biodiversité, comprenez l’impact potentiel sur les espèces indigènes. Dans certaines régions, des ruches d’abeilles mellifères supplémentaires peuvent exacerber la concurrence. Concentrez-vous plutôt sur la création d’habitats pour tous les pollinisateurs.
- Planter des jardins indigènes et favorables aux pollinisateurs : Priorisez les plantes indigènes de votre région. Ce sont les plantes avec lesquelles les abeilles indigènes ont co-évolué et sont les mieux équipées pour les utiliser. Visez une diversité de formes, de tailles et de périodes de floraison pour fournir des ressources continues tout au long de l’année.
- Réduire l’utilisation des pesticides : C’est crucial pour tous les pollinisateurs. Évitez les insecticides, herbicides et fongicides à large spectre, qui peuvent nuire aux abeilles et à leurs sources de nourriture. Optez pour des pratiques de jardinage biologique.
- Créer des habitats de nidification : Plus de 70 % des abeilles indigènes nichent sous terre. Laissez des parcelles de sol nu et non perturbé dans votre jardin. Pour les abeilles nichant dans des cavités (comme les osmies et les mégachiles), envisagez de laisser des tiges de plantes ligneuses en place pendant l’hiver ou de fournir de petits hôtels à abeilles bien entretenus.
- Plaider pour des changements politiques : Soutenez les initiatives qui réglementent l’emplacement des grandes exploitations apicoles, en particulier sur les terres publiques, afin de minimiser la concurrence avec les espèces indigènes.
Le mantra « sauver les abeilles » est plus important que jamais, mais il nécessite une compréhension nuancée. Dans les écosystèmes uniques du sud de la Californie, la véritable conservation des abeilles signifie la priorité et la protection des centaines d’espèces de pollinisateurs indigènes qui sont essentielles à la santé et à la résilience de nos terres sauvages. Assurons-nous que nos efforts soutiennent véritablement tout le spectre de la biodiversité bourdonnante qui fait prospérer notre monde.
admin@lavie41.com 09/07/2025