De l’Obscurité à l’Énergie : L’Histoire de l’Uranium et de la Fission Nucléaire

Lorsque vous entendez le mot “uranium”, des images de centrales électriques, ou peut-être même de nuages en forme de champignon, peuvent vous venir à l’esprit. Mais comment sommes-nous passés de la découverte d’un nouvel élément brillant à l’exploitation de son incroyable énergie atomique ? C’est un voyage qui s’étend sur des siècles et implique certains des esprits les plus brillants de la science.

L’Uranium : Découvert, Pas Inventé

Tout d’abord, clarifions une idée fausse courante : l’uranium n’a pas été “inventé”. C’est un élément chimique naturel, forgé au cœur d’étoiles mourantes il y a des milliards d’années. Sa découverte, cependant, a marqué une étape cruciale vers la compréhension du monde atomique.

Le mérite de la découverte de l’élément lui-même revient à :

  • Martin Heinrich Klaproth (1789) : Ce curieux chimiste allemand, alors qu’il analysait le minéral pechblende, a isolé un nouvel élément. Il l’a nommé “Uran” d’après la planète Uranus récemment découverte, reflétant ainsi la fascination de l’époque pour les révélations astronomiques. Si Klaproth a identifié un oxyde d’uranium, il a fallu encore un demi-siècle au chimiste français Eugène-Melchior Péligot pour isoler l’uranium métallique pur en 1841.

Un siècle plus tard, une autre découverte d’une importance capitale liée à l’uranium a complètement changé notre compréhension de la matière :

cette photo générée par l’IA
  • Henri Becquerel (1896) : Ce physicien français a fait une découverte accidentelle mais profonde. Il a observé que les sels d’uranium émettaient spontanément une forme d’énergie invisible capable de voiler des plaques photographiques, même dans l’obscurité. Il avait mis le doigt sur la radioactivité. Bien qu’il n’en ait pas pleinement saisi les implications, ses travaux ont ouvert la voie à Marie et Pierre Curie, qui ont ensuite inventé le terme “radioactivité” et exploré davantage ce phénomène mystérieux.

La Fission Nucléaire : Libérer la Puissance de l’Atome

La véritable clé pour libérer la puissance de l’uranium est venue bien plus tard avec la découverte de la fission nucléaire. Il ne s’agissait pas d’un simple moment “Eurêka !” d’une seule personne, mais plutôt d’un puzzle scientifique assemblé collectivement par plusieurs esprits brillants :

  • Otto Hahn et Fritz Strassmann (1938) : Ces chimistes allemands, travaillant à Berlin, bombardaient de l’uranium avec des neutrons, espérant créer de nouveaux éléments plus lourds. À leur grande surprise, ils ont trouvé des éléments beaucoup plus légers, comme le baryum, parmi les produits de la réaction. Ils ont publié leurs résultats déroutants.
  • Lise Meitner et Otto Frisch (1939) : Lise Meitner, une physicienne autrichienne qui avait longtemps collaboré avec Hahn mais avait été contrainte de fuir l’Allemagne nazie en raison de son héritage juif, a reçu les résultats de Hahn. Collaborant avec son neveu, Otto Frisch, en Suède, ils ont été les premiers à interpréter correctement ce qui se passait : le noyau d’uranium se scindait en deux noyaux plus petits, libérant une quantité énorme d’énergie et, surtout, plus de neutrons. Frisch a inventé le terme de “fission” pour ce processus, faisant une analogie avec la division cellulaire biologique.
  • Développements Ultérieurs : Les travaux ultérieurs de scientifiques comme Leo Szilard, Enrico Fermi et Frédéric Joliot-Curie ont confirmé que le processus de fission libérait également des neutrons supplémentaires, rendant une réaction en chaîne théoriquement possible.

La découverte de la fission nucléaire a été révolutionnaire, démontrant que l’immense énergie qui maintient le noyau d’un atome pouvait être libérée.

Comment tout cela fonctionne ensemble : Alimenter une centrale nucléaire

Alors, comment cette scission atomique se traduit-elle en électricité qui alimente nos foyers ? Tout se passe dans une centrale nucléaire, principalement grâce à la réaction en chaîne contrôlée de l’uranium-235 (U-235).

Voici une explication simplifiée du processus :

  1. Préparation du Combustible (Le “Front-End”) :
    • Extraction minière : Le minerai d’uranium est extrait de la Terre.
    • Broyage : Le minerai est broyé et traité pour en extraire l’oxyde d’uranium, une poudre jaune connue sous le nom de “yellowcake”.
    • Conversion et Enrichissement : L’uranium naturel ne contient qu’environ 0,7 % de l’isotope fissile U-235. Pour la plupart des réacteurs, cette concentration doit être augmentée à 3-5 % par un processus appelé enrichissement. Cela se fait généralement à l’aide de centrifugeuses à gaz qui font tourner le gaz d’uranium à grande vitesse pour séparer l’U-235 plus léger de l’U-238 plus lourd.
    • Fabrication du Combustible : L’uranium enrichi est ensuite transformé en petites pastilles de céramique, qui sont empilées à l’intérieur de longs tubes métalliques appelés crayons de combustible. Ces crayons sont regroupés pour former des assemblages combustibles.
  2. Le Cœur du Réacteur (Là où la Magie Opère) :
    • Fission : À l’intérieur de la cuve du réacteur, ces assemblages combustibles sont immergés dans l’eau (qui agit à la fois comme liquide de refroidissement et comme “modérateur” pour ralentir les neutrons). Lorsqu’un neutron libre frappe un atome d’U-235, le noyau d’uranium l’absorbe, devient instable, puis se scinde (fissionne) en deux atomes plus petits.
    • Libération de Chaleur : Ce processus de fission libère une quantité massive d’énergie sous forme de chaleur, ainsi que deux ou trois nouveaux neutrons.
    • Réaction en Chaîne : Ces neutrons nouvellement libérés peuvent alors frapper d’autres atomes d’U-235, les faisant fissionner et libérer encore plus de neutrons. Cela crée une réaction en chaîne auto-entretenue.
    • Contrôle : Pour éviter une explosion incontrôlée, des barres de commande (fabriquées à partir de matériaux absorbant les neutrons comme le bore ou le cadmium) sont insérées dans le cœur du réacteur. En déplaçant ces barres vers l’intérieur ou l’extérieur, les opérateurs peuvent absorber les neutrons en excès, contrôlant ainsi précisément le taux de la réaction en chaîne et donc la quantité de chaleur générée.
  3. Production d’Électricité (Le “Back-End” – Conversion d’Énergie) :
    • Production de Vapeur : La chaleur intense du processus de fission chauffe l’eau du réacteur (le circuit primaire) à des températures très élevées, créant de la vapeur.
    • Turbine et Générateur : Cette vapeur à haute pression est ensuite acheminée pour faire tourner une grande turbine. La turbine, à son tour, est connectée à un générateur électrique, qui convertit l’énergie mécanique de la turbine en rotation en électricité.
    • Refroidissement : Après avoir traversé la turbine, la vapeur est refroidie dans un condenseur (souvent en utilisant de l’eau provenant d’une rivière, d’un lac ou de tours de refroidissement à proximité) pour la retransformer en eau liquide, qui est ensuite pompée vers le réacteur pour être réchauffée, complétant ainsi le cycle.

L’Héritage

De la découverte initiale d’un élément par Klaproth à la brillance collective qui a mis au jour la fission nucléaire, l’uranium est passé d’une curiosité scientifique à un élément fondamental de l’énergie moderne. Bien que son histoire soit complexe et son utilisation s’accompagne de responsabilités importantes, la capacité à générer de vastes quantités d’électricité à partir de très faibles quantités d’uranium reste l’une des réalisations scientifiques et techniques les plus remarquables de l’humanité.

admin@lavie41.com 25/06/2025

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